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L’Inconscient

1. Pourquoi la notion classique du sujet comme conscience réflexive (Descartes, Locke) pose-t-elle problème ?

  • Le « cogito » cartésien, entièrement conscient (donc présent) et autonome, n’est-il pas une construction intellectuelle à vocation épistémologique (épistémologie = théorie de la connaissance) — et donc un artifice qui ne correspondrait qu’à une expérience construite, en quelque sorte imaginaire.
    Descartes présente son cogito (l’activité même de penser qui est fondamentalement ce que « je suis ») comme une évidence que chacun peut expérimenter, le reliquat nécessaire du doute généralisé, mais ne l’a-t-il pas construit, fabriqué intellectuellement, « imaginé » comme le suggère Hume (cf. texte) alors qu’il croyait dévoiler le fondement de toute expérience humaine ?
  • La « personne » de Locke, déterminée à la fois par sa conscience réflexive et sa mémoire, n’est-elle pas aussi un artifice ? Nous ne pouvons en effet jamais avoir conscience que d’une toute petite partie du contenu de notre mémoire. La conscience de soi est alors nécessairement une illusion : à aucun moment en effet nous ne pourrions nous connaître nous-même objectivement puisque pour cela, il faudrait avoir conscience d’emblée de tout le contenu de notre mémoire. Or celui-ci n’est pas un donné objectif : des souvenirs sont réinterprétés, effacés, imaginés…

D’autre part, si je suis déterminé uniquement par ma conscience, quel statut donner dans l’expérience humaine aux rêves, à l’« inspiration », à toutes nos idées et actions spontanées que nous ne pouvons expliquer bien que nous les assumions comme nôtres ?

Définition : On appelle inconscient ce qui détermine les processus qui ne sont ni perçus ni à plus forte raison contrôlés par la conscience mais qui sont néanmoins la cause nécessaire de certains phénomènes conscients.

2. L’idée intuitive d’un « inconscient »

A. Descartes comprend qu’une partie de notre personnalité est déterminée inconsciemment : « Lorsque j’étais enfant, j’aimais une fille de mon âge, qui était un peu louche [= qui louchait] ; au moyen de quoi, l’impression qui se faisait par la vue en mon cerveau, quand je regardais ses yeux égarés, se joignait tellement à celle qui s’y faisait aussi pour émouvoir la passion de l’amour, que longtemps après, en voyant des personnes louches, je me sentais plus enclin à les aimer qu’à en aimer d’autres, pour cela seul qu’elles avaient ce défaut ; et je ne savais pas néanmoins que ce fût pour cela. » (DESCARTES, Lettre à Chanut, 6 juin 1647)

B. Spinoza (1631-1677), pose l’activité inconsciente comme déterminante dans les actions de l’homme :

« Les hommes, donc, se trompent en ce qu’ils pensent être libres ; et cette opinion consiste uniquement pour eux à être conscients de leurs actions, et ignorants des causes qui les déterminent ».

SPINOZA, Ethique, II, scolie de la proposition XXXV

C. Leibniz (1646-1716) introduit l’idée de « degrés de conscience » : on peut être plus ou moins conscient de l’activité de notre pensée, sans quoi on confondrait « un long étourdissement et une mort ». Si notre conscience éveillée et attentive est à un degré « un » dans une échelle des degrés de conscience, alors, dans le sommeil nous nous trouvons à un degré proche de « zéro ». Mais entre les deux, nous pouvons être plus ou moins distrait, somnolent ou au contraire attentif, concentré.
Des perceptions sans conscience (« Théorie des petites perceptions ») :

« Il y a mille marques qui font juger qu’il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception* et sans réflexion, c’est-à-dire des changements dans l’âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites ou en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu’elles n’ont rien d’assez distinguant à part, mais jointes à d’autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se notre perception faire sentir au moins confusément dans l’assemblage. »

Gottfried Wilhelm LEIBNIZ, Nouveaux Essais sur l’entendement humain
(* aperception = perception avec conscience de cette perception. )

    • Perceptions réfléchies (= aperceptions) : perceptions dont nous prenons conscience, auxquelles nous prêtons attention.
    • Perceptions non réfléchies : petites perceptions. Elles sont bien présentes dans notre perception mais soit nous n’y prêtons pas attention, soit elles sont intégrées dans ce à quoi nous prêtons attention mais sont « trop petites ou en trop grand nombre ou trop unies » pour qu’on puisse les discerner. Elles restent donc inconscientes mais pourraient, par un effort d’attention, être rendues conscientes.
    • Autre exemple utilisé par Leibniz (dans la préface des Nouveaux Essais sur l’entendement humain) : les vagues de la mer. Chacune d’elle doit être nécessairement perçue. Pourtant la conscience n’a accès qu’au résultat de l’addition continue de l’ensemble de ces vagues (petites perceptions), du résultat d’un travail de sommation qu’est le bruit d’ensemble de la mer. Nous entendons « le bruit de la mer » et non « le bruit de chaque vague ».

NB : Philosophe, mathématicien, ingénieur, logicien, diplomate, juriste, bibliothécaire, philologue, Leibniz est le co-inventeur (avec Newton) du calcul différentiel. La notion d’intégrale exprime l’idée que la somme de grandeurs infinitésimales (si petites qu’elles sont imperceptibles) produit une grandeur mesurable (qui elle est perceptible).

    • Schopenhauer : « Le sujet est ce qui connaît mais n’est jamais connu » (Cf. Texte) : le moi n’apparaît jamais comme tel à la conscience : il n’est donc jamais connu, ne peut être un objet de connaissance. Pourtant il est ce qui détermine la conscience et ses contenus : il est donc ce qui connaît.
    • Rimbaud : « Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène. » (Arthur RIMBAUD, Lettre à Demény, 1870)
    • Nietzsche (1844-1900) et la valorisation de l’inconscient : « Aujourd’hui où tout au moins nous autres, les immoralistes, nous en venons à soupçonner que la valeur essentielle d’une action réside justement dans ce qu’elle a de non intentionnel et que son intention tout entière, ce qu’on peut en voir, en savoir, en connaître par la conscience, appartient encore à sa superficie et à son épiderme, lequel, comme tout épiderme, révèle quelque chose mais dissimule encore plus. Bref, nous croyons que l’intention n’est qu’un signe et un symptôme, qui exige d’abord d’être interprété. » (Friedrich NIETZSCHE, Par-delà bien et mal, §32)

3. L’ inconscient selon la psychanalyse

« L’inconscient est pareil à un grand cercle qui enfermerait le conscient comme un cercle plus petit. Il ne peut y avoir de conscient sans stade antérieur inconscient, tandis que l’inconscient peut se passer de stade conscient et avoir cependant une valeur psychique. L’inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité. Sa nature intime nous est aussi inconnue que la réalité du monde extérieur, et la conscience nous renseigne sur lui d’une manière aussi incomplète que nos organes des sens sur le monde extérieur. »   (Sigmund FREUD, Interprétation des rêves, 1900)

A/ Pourquoi la psychanalyse ?

FREUD (1856-1939) : L’hypothèse de l’inconscient est nécessaire

« Aussi bien chez l’homme sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d’autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience. Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez l’homme sain, et tout ce qu’on appelle symptômes psychiques et phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d’idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l’origine et de résultats de pensée dont l’élaboration nous est demeurée cachée. »  (Sigmund FREUD, Métapsychologie, 1909)

Pourquoi Freud intéresse-t-il les philosophes ? Principalement parce que la psychanalyse redéfinit la notion de sujet en y intégrant une part inconsciente dominante. Elle a donc contraint la philosophie à prendre position par rapport à ses concepts (et à ses méthodes).

  • La neurologie s’intéresse au support biologique de la vie psychique, le somatique (en latin soma = corps). C’est une donnée objective, commune à tous les êtres humains. Les maladies mentales innées, soit génétiques (héritées des parents), soit congénitales (causées par des accidents génétiques), ou celles qui sont dues à des lésions cérébrales, ne peuvent  être soignées que sur des bases neurologiques. Pour les troubles d’origine psychologique (liés à l’histoire individuelle, à des traumatismes qui interdisent une organisation cérébrale cohérente et fonctionnelle), la médecine peut en supprimer les symptômes (souffrances) à l’aide d’anxiolytiques ou antidépresseurs, mais pas les causes qui demeurent fixées dans la mémoire.
  • Pour le psychologue, chaque vie individuelle est tissée d’événements particuliers, proprement subjectifs, qui ne se laissent pas percevoir au niveau neurologique (ils ne correspondent pas à des lésions cérébrales que l’on pourrait repérer sur des radios). Chaque cas étant singulier, les soins passent donc par la connaissance de l’histoire singulière du sujet. (Les médicaments ne font que soulager temporairement le sujet, ils s’attaquent aux symptômes des troubles psychologiques, pas à leurs causes.)
    Les troubles psychologiques acquis impliquent, pour êtres résolus, la compréhension de leur origine vécue. Ce qui implique de se poser des questions en termes de sens, d’intention, de langage pour réintégrer ce souvenir dans une représentation cohérente de soi-même et retrouver ainsi la possibilité de maîtriser sa vie consciente.
  • Pour la psychanalyse, la souffrance est liée au refoulement d’événements traumatiques dans l’inconscient. Il faut en décrypter les symptômes (les troubles du comportements) afin de libérer la charge émotionnelle «bloquée» par les mécanismes de refoulement et permettre au sujet de retrouver la maîtrise de sa vie.

NB : Pour Freud, reconnaître l’existence d’un inconscient psychique n’est pas un renoncement à la notion de liberté (même si la connaissance de soi-même devient beaucoup plus difficile).  Prendre conscience de l’importance des déterminismes inconscients peut constituer un principe moral : « Là où était du ça, doit advenir du moi. » (FREUD)

B/ Origine de la psychanalyse : observations cliniques (1) et faits de la vie quotidienne (2)

(1) Hystérie : trouble psychique qui s’exprime par des manifestations fonctionnelles (anesthésies, paralysies, cécité, contractures… : une fonction corporelle est dégradée sans lésion organique), des crises émotionnelles, ou des phobies.
(Hystérie a la même racine qu’utérus, les cas les plus patents étant alors observés chez les femmes. On s’est vite aperçu que les hommes pouvaient présenter des troubles identiques, mais le nom est resté !)

Interprétation de Freud : un souvenir traumatique a été refoulé. Le souvenir refoulé est converti en symptômes somatiques (s’exprimant par ou dans le corps) : le symptôme est un « retour du refoulé ».
NB : L’hystérie ayant disparu avec la libération sexuelle intervenue après la Seconde Guerre mondiale, on suppose qu’elle avait pour cause le refoulement de la vie sexuelle des adolescents et jeunes adultes (ex : interdiction même des «pensées impure » dans l’église catholique), qui causait des souffrances psychiques. («Psychique » = qui concerne la « psychè » c’est-à-dire « l’esprit » en grec.)

(2) Psychopathologie de la vie quotidienne : l’inconscient trouve à s’exprimer dans la vie quotidienne à travers :

– Les actes manqués : acte involontaire pour la conscience mais qui indique un désir inconscient. (pour la psychanalyse, un acte manqué est un acte réussi : une pulsion est satisfaite)

Exemples :

      • oublier un objet chez quelqu’un qu’on aime. (…ce qui permet de revenir voir la personne),
      • casser « involontairement » un objet chez quelqu’un qu’on n’aime pas,
      • envoyer un SMS à un « mauvais » destinataire « par erreur » mais dont le sens correspond bien à ce que l’on pense de cette personne.

Les lapsus : un mot vient en remplacer un autre subrepticement, indiquant les pulsions inconscientes qui travaillent en profondeur l’auteur du lapsus et qui trouvent ainsi à se manifester, à passer la censure du Surmoi.

Exemples « classiques » et publics, au cours de discours ou d’interview :

      • La ministre de la justice Rachida Dati (26 septembre 2010, sur Canal+, cf. Youtube) : « Quand je vois certains qui réclament une rentabilité à 20-25%, avec une fellation quasi nulle... » (« fellation » a ici remplacé « inflation »). La même, sur la même chaîne (cf. Youtube) parle du « gode de la nationalité » au lieu « code de la nationalité ».
      • Le premier ministre P. Bérégovoy (15 oct. 1992, cf. Youtube) : «Nous avons aussi décidé de baiser… de baisser l’impôt sur les sociétés, excusez-moi… » (trop tard !)
      • Le plus connu, du député Vivien, à propos d’un texte visant à réguler la pornographie (sept. 1975) : « Monsieur le Ministre, durcissez votre sexe… euh, pardon, votre texte ! »

– Les rêves : le contenu manifeste des rêves (les images dont nous nous rappelons) sont l’expression d’un contenu latent (cause réelle mais transformée par une censure intériorisée).

C/ Les rapports conflictuels entre Conscient et Inconscient : les deux topiques

1/ Première topique (1900) :

Inconscient (ICs) // Préconscient (PCs) / Conscient (Cs)
(= 3 instances psychiques définies par leur fonction)

      • Inconscient : lieu des pulsions et des tendances refoulées, réglé par le seul principe de plaisir. Le système inconscient est la partie de la mémoire qui demeure hors d’atteinte de la conscience.
      • Préconscient : ce qui n’est pas actuellement présent à ma conscience mais qui peut le devenir (les souvenirs dont on peut se rappeler, les gestes automatiques, etc.). Le système préconscient est la partie de la mémoire susceptible d’être actualisée, ramenée à la conscience. C’est selon Freud « notre moi officiel » (équivalent de la « personne » de Locke). La pulsion y trouve une « délégation » : soit la représentation (à la fois de chose et de mot), soit l’affect (l’emotion, le sentiment).
      • Conscient (je) : ce que je pense, ce que je perçois actuellement. L’ensemble (PCs / Cs) constitue le Moi.
      • // : représente la « barrière » de la censure (entre Inconscient et Préconscient), l’activité du refoulement qui divise le psychisme humain. (Refoulement : force qui tend à s’opposer au devenir conscient de certaines tendances).

2/ Deuxième topique (1920) : Moi / Surmoi / Ça

      • Ça : siège des pulsions : soumise au principe de plaisir (indépendant de toute considération morale).
      • Surmoi : siège de la censure, soumet le Ça au principe de réalité. Il est l’intériorisation de l’interdit de l’inceste, des lois et des normes sociales.
      • Moi : instance faisant le lien au réel. Soumis (si tout se passe bien) au principe de réalité. Il correspond au siège de la personnalité. Sa tache est de trouver des compromis entre les pulsions du Ça qui réclament une satisfaction immédiate et les interdits du Surmoi, entre le principe de plaisir et le principe de réalité. C’est pourquoi «le moi n’est pas maître dans sa propre maison».

Chez le sujet en société, Ça et Surmoi sont en conflit permanent. Le Ça ignore le refus, la logique et la morale. Il n’est pas soumis au principe de réalité (contraintes de la réalité extérieure) mais au principe de plaisir (recherche du plaisir et évitement de la douleur, satisfaction des désirs).

NB : Cette théorie est intéressante du point de vue anthropologique (qui cherche à donner une représentation synthétique de toutes les composantes des comportements humains) : le «Ça» prend en compte la dimension somatique («naturelle», pulsionnelle, innée, liée à la physiologie, au fonctionnement du corps), le «Surmoi» prend en compte la dimension culturelle (acquise, liée aux déterminismes sociaux intériorisés), et le «Moi» prenant en compte la dimension individuelle (actuelle, consciente, relation présente au réel).

D/ Quelques éléments du vocabulaire de la psychanalyse :

  • La névrose est caractérisée par des troubles affectifs et émotionnels mais qui n’altèrent pas toutes les capacités mentales.
  • L’hystérie est une névrose ayant pour symptôme une exagération des modalités d’expression psychique et affective. Elle est l’expression (déguisée) d’un refoulement. Elle peut se manifester de façon somatique (convulsion, paralysie) ou psychique (hallucination, délire).
  • La libre association est une méthode utilisée lors des thérapies invitant le patient a exprimer toutes les idées qui lui viennent à l’esprit sans les censure, permettant éventuellement au refoulé de s’exprimer sous une forme déguisée.
  • La libido (= « désir » en latin), selon Freud : « Manifestation dynamique dans la vie psychique de la pulsion sexuelle ». À noter que Freud a une conception large du « sexuel » puisqu’il qualifie d’activité sexuelle le suçotement chez l’enfant et la satisfaction qu’il en tire.
  • Le complexe d’Œdipe est l’attachement érotique de l’enfant au parent de sexe opposé. Cet attachement doit être refoulé pour que l’enfant puisse s’investir affectivement dans une personne tierce.
  • Sublimer, c’est transposer consciemment ou non ses pulsions sur un plan socialement valorisé (par exemple dans l’art, la science, la religion).
  • Le transfert est l’acte par lequel le patient reporte sur le psychanalyste une affection ou une hostilité qu’il éprouvait pour une autre personne.

E/ Les principales « intuitions » de la psychanalyse :

  • La vie psychique est entièrement cohérente et obéit aux lois de la causalité. Tout y est signifiant. Les incohérences apparentes au niveau conscient peuvent s’expliquer en reconstituant les chaînes inconscientes d’idées.
  • Postulat du déterminisme psychique : tous les faits psychiques s’expliquent par d’autres faits psychiques.
  • La névrose n’est pas une maladie congénitale mais l’effet de conflits psychiques.
  • La maladie d’origine psychique est un refuge pour échapper aux conflits entre principe de plaisir (pulsions) et principe de réalité (contraintes sociales).
  • La maladie d’origine psychique est liée à des souvenirs refoulés dans la mémoire. Le refoulement est pathogène (à l’origine de maladies psychiques).
  • Les symptômes sont des substituts d’idées refoulées. Ils sont la réalisation déformée, déguisée, de désirs refoulés.

4. Un ou des inconscients ?

Rappel : pour ce qui concerne le problème du sujet, l’inconscient est ce qui, dans l’être humain, détermine ses comportements sans être connu de la conscience.

A/ L’inconscient biologique : notre « nature »

Manifestations : les pulsions innées, faim, soif, désir sexuel, agressivité… —> elles sont liées à l’expression des gènes, partagées par la plupart des mammifères, résultat de l’évolution (cf. Darwin).
Depuis les découvertes de la génétique, le corps humain (comme celui de tout animal) peut être considéré comme résultant de l’exécution d’un programme (génétique). Ce programme détermine des potentiels qui pour se réaliser doivent entrer en interaction avec le milieu. La question se pose alors de savoir ce qui dans ce programme détermine, nécessairement et sans que nous en ayons conscience, des désirs, des choix, des comportement. Nos orientations sexuelles, prédispositions (littéraire ou scientifique), goûts, notre caractère, etc. sont-ils prédéterminés ? Bref, avons nous un « destin» génétique ?

B/ L’inconscient sociologique (hexis, habitus) : la culture comme «seconde nature »

Manifestations : les habitudes, façons de marcher, façons de parler, de manger qui nous paraissent « naturelles » mais sont le produit de notre éducation (« la culture est une seconde nature ») —> elles sont liées à la culture reçue par l’individu (famille, classe sociale, nation…)
Chez Platon (dans le texte « Théétète »), la connaissance ne peut pas être seulement une possession passagère : elle doit présenter le caractère d’une hexis, c’est-à-dire d’un savoir en rétention qui n’est jamais passif, mais fait partie de nous et participe à la détermination de nos pensées et de nos actions.

« L’habitus est le produit du travail d’inculcation et d’appropriation nécessaire pour que ces produits de l’histoire collective que sont les structures objectives (c’est-à-dire de la langue, de l’économie, etc.) parviennent à se reproduire, sous la forme de dispositions durables, dans tous les organismes. »

Pierre BOURDIEU, Esquisse d’une théorie de la pratique, p. 282.

C/ L’inconscient psychique (le « produit du refoulement »)

L’inconscient psychique défini par Freud intègre des éléments inconscients d’origine biologique et sociologique :

    • Le Ça, siège des pulsions, intègre en particulier les pulsions sexuelle et agressive, dont la source est biologique.
    • Le Surmoi, siège des interdits intériorisés par l’éducation (sociologique) pourrait trouver sa place dans ce que les sociologues appellent l’habitus. Il a pour fonction de refouler les pulsions dont l’expression est interdite par notre milieu social : il constitue donc une censure du Ça.