LS REPRÉSENTATIONS DU MONDE

La période de l’histoire occidentale s’étendant de la Renaissance aux Lumières (XVe – XVIIIe siècle) est caractérisée par un retour progressif aux idéaux de rationalité (sciences, philosophie), d’esthétique (arts) et de politique (idées de République et de Démocratie) telles qu’elles avaient pu être conçues dans l’Antiquité grecque et romaine.

Cette période peut être considérée comme l’origine de notre modernité, avec en particulier le rôle prépondérant que prend progressivement la technique dans la vie des individus, les notions « libérales » qui s’imposent progressivement en politique, en économie et dans les mœurs.
Elle commence avec le développement des idées humanistes et la découverte de « nouveaux mondes » et  de révolutions dans les sciences et les techniques. Ces bouleversements sont inséparables de mutations dans l’économie, dans les sociétés politiques, dans les formes artistiques et littéraires, dans les esprits et dans les mœurs.
Les nouvelles représentations du « monde », compris comme la Terre ou comme l’ensemble du cosmos, remettent en cause les anciennes représentations appuyées sur les textes religieux qu’elles finiront par supplanter.

A. Période de référence (trois parties présentant une forme de continuité : de l’humanisme à l’universalisme)

  • Renaissance (humanisme) : invention de l’imprimerie (1455), invention de la perspective en peinture (vers 1450), découverte de l’Amérique (1492), protestantisme (Luther, 1517), guerres de religion (en France de 1562 à 1598)
  • Âge classique : exécution de Giordano Bruno (1600), héliocentrisme (Kepler, 1609), débuts des sciences modernes (Galilée, 1564-1642, Newton, 1643-1727),  la philosophie moderne (Bacon, Descartes, Hobbes, Pascal, Spinoza Locke…), arts (Shakespeare, 1564-1616, Rembrandt, 1606-1669…)
  • Lumières (universalisme) : mouvement philosophique mettant en avant l’usage de la raison dans tous les domaines de l’expérience humaine et en particulier en politique (Montesquieu, Hume, Voltaire, Diderot, d’Alembert, Rousseau Kant…)

B. Rappels :

  • Humanisme : de manière générale, on qualifie d’humaniste toute doctrine visant à l’épanouissement de la personne humaine. Historiquement, c’est le mouvement de la Renaissance qui, au moyen d’un retour aux sources gréco-latines, vise à relever la dignité de l’esprit humain et le mettre en valeur.
  • Universalisme : de manière générale, on qualifie d’universaliste toute doctrine qui considère l’être humain comme simple partie de l’univers. Historiquement, l’universalisme philosophique défendu par les « Lumières » considère que tous les être humains sont par nature égaux en dignité et donc en droits.

1. QU’EST-CE QU’UNE REPRÉSENTATION ?

• Définition générale : du latin reprœsentatio, qui désigne étymologiquement l’action de « replacer devant les yeux de quelqu’un ». La représentation d’un objet, d’une idée ou d’un concept permet de nous le rendre présent (malgré son absence concrète dans le champ de notre perception), au moyen d’une image, d’une figure, d’un signe, d’un modèle ou d’une théorie.

En permettant une présence « intérieure » (mentale) du monde « extérieur », la représentation constitue le moyen propre à l’être humain de connaître son milieu et, au-delà, les différents domaines de la réalité.
De la même façon que connaître quelque chose nous permet de le « re-connaître », il faut que quelque chose ait été présent à nous pour que nous puissions ensuite nous le « re-présenter » : d’où l’importance de la mémoire, capable de la perception, de la mémoire et de la capacité de signification (association de chaque objet d’un domaine de l’expérience humaine à celui d’un autre domaine (ex. : un nom à une chose, un portrait à une personne…)

« La formation du souvenir est donc contemporaine de celle de la perception ; c’est en devenant représentation, au moment même où elle est perçue, que l’image-chose se transforme en souvenir. » (Jean-Paul SARTRE, L’Imagination, 1936)

Attention : le terme « représentation » désigne aussi bien l’activité de rendre présent par des signes ce qui est absent (dessiner, parler, écrire…) que le résultat de cette activité (un dessin, une phrase, une théorie…)

• Double métaphore de la représentation :

  • la représentation théâtrale : comme une représentation théâtrale met en scène le texte de la pièce, le donne à voir et à entendre au spectateur, les diverses formes de représentation dont dispose l’esprit humain permettent de projeter dans l’espace de la conscience une « mise en scène » du monde dans lequel nous vivons.
  • la représentation diplomatique : de même qu’une représentation diplomatique est une « médiation » visant à mettre en accord des partis (États, collectivités, citoyens…), la représentation  de quelque chose doit être en accord avec ce qu’elle représente pour nous permettre d’en avoir une connaissance vraie (ex. la description d’un objet doit permettre au moins de pouvoir le reconnaître).

2. LA PERCEPTION COMME REPRÉSENTATION SPONTANÉE DU MONDE

1. Perception, sensation, connaissance chez les Grecs 

A. Distinction « sensible/intelligible » chez Platon :

Pour Platon, la connaissance vraie s’appuie sur une division de l’expérience humaine en deux domaines (Cf. «?l’allégorie de la caverne?», La République) :

      • le «?monde sensible?» de l’expérience immédiate, perpétuellement fluctuant et dont on ne peut avoir que des opinions, c’est-à-dire des croyances non justifiées, et non une connaissance qu’on peut prouver ou démontrer.
      • le «?monde intelligible?» des idées qui, parce qu’elles sont stables, peuvent être «?contemplées?» (l’étymologie de «?théorie?» est le mot grec  theoria = contemplation) indépendamment de la sensibilité, et dont on peut donc avoir une connaissance vraie.

« Il faut convenir qu’il existe premièrement ce qui reste identique à soi-même en tant qu’idée, qui ne naît ni ne meurt, ni ne reçoit rien venu d’ailleurs, ni non plus ne se rend nulle part, qui n’est accessible ni à la vue ni à un autre sens et que donc l’intellection a pour rôle d’examiner ; qu’il y a deuxièmement ce qui a même nom et qui est semblable, mais qui est sensible, qui naît, qui est toujours en mouvement, qui surgit en quelque lieu pour en disparaître ensuite et qui est accessible à l’opinion accompagnée de sensation. »  (PLATON, Timée)

Quand nous percevons un objet, l’idée de l’objet se trouve mobilisée dans l’objet perçu : il y a « réminiscence?» (rappel, remémoration) de l’idée dans la perception de l’objet. L’objet B « participe de » l’idée A s’il en est un exemple concret (notion de méthexis = participation). On parle aujourd’hui d’« instanciation » (instancier = créer un objet à partir d’un modèle).


Vocabulaire : 

      • Apparence (image, phénomène = ce qui apparaît) : ce qui est donné par l’expérience sensible. Ce que nos sens produisent en nous : couleurs, sons, odeurs, etc., qui nous fournissent les premières données sur les objets réels. Le bourdonnement des ailes de l’abeille, les zébrures jaunes et noires de son corps, etc.
      • Chose : Ce qui dans le réel correspond à l’image que nous en donnent nos sens. Telle abeille, qui existe indépendamment de la perception qu’on peut en avoir.
      • Concept : notion générale, caractérisée par une définition, que se fait l’esprit humain d’un objet de pensée, qui lui permet de rattacher à ce même objet les diverses perceptions qu’il en a, d’en organiser la connaissance. Toutes les abeilles réelles, particulières, vérifient la définition de l’abeille (on dit «?tombent?» sous le concept d’abeille). Chaque objet «?abeille?», chaque abeille réelle, exemplifie le concept d’abeille.
      • Idée (ou forme intelligible, modèle) : c’est la forme, la structure commune à tous les objets qui «?tombent?» sous le concept. Selon Platon, ces idées peuvent être contemplées : on peut en avoir une intuition intellectuelle. Tout se passe comme s’il y avait deux mondes : celui des sensations (monde sensible, continuellement changeant) et celui des idées (monde intelligible, où les idées sont déterminées, fixes, comme éternelles). La connaissance «vraie»,  impose de considérer le seul monde des idées — le monde sensible ne permettant de produire que des opinions susceptibles de varier.
      • NB :  L’intelligibilité de l’expérience humaine est la condition de possibilité de la science, de l’exercice de la raison sur les données des sens —> Pour établir des lois universelles, les sciences doivent définir des objets stables, idéaux, objectifs, qui échappent au changement perpétuel et subjectif de l’expérience humaine, corrigent.

B. Forme et matière chez Aristote :

Aristote a une conception empiriste de la connaissance (qui s’oppose à la conception idéaliste de Platon) : la connaissance du monde ne peut naître que de l’expérience : elle doit donc s’appuyer sur l’observation.

Hylémorphisme : (Hylè = matière, Morphè = forme)

        • Toute chose est composée d’une matière (qui nous est irrémédiablement extérieure) et d’une forme (manière dont cette matière est organisée pour former les choses). Cette forme (ensemble des relations entre parties d’un objet ou entre différents objets) est captée grâce aux sens (principalement la vision) et peut donc être saisie par l’intelligence : les formes sont donc « intelligibles », autrement dit elle peuvent être décrites par le langage. Lorsque les relations se retrouvent toujours dans les paeties d’un même objet ou entre différents objets, on peut alors établir des « lois de la nature ». Ces relations se trouvent dans les objets mêmes de l’expérience, d’où le fait que nous puissions connaître ces objets (c’est-à-dire en avoir une représentation adéquate).
        • La perception est à la fois saisie des qualités des choses (grâce aux couleurs, aux sons, etc.) et de la forme des choses, à partir de laquelle l’intellect produit les concepts par abstraction, en saisissant des formes communes dans des objets, ce qui permet de les classer (les chats, les arbres, les voitures…).

NB : le terme de pré-notion chez Épicure met en valeur la construction progressive d’un concept à partir des expériences diverses d’un même type d’objets qui se cristallisent progressivement dans ce concept.

C. Le sensualisme de Lucrèce : les sens sont la seule source de certitude :

Plus radical que l’empirisme qui n’affirme que la primauté de la perception dans la connaissance, le sensualisme affirme que la raison est elle-même un produit des sens :

 «?Tu découvriras que les sens formèrent les premiers la notion de vérité et qu’ils sont infaillibles. Car il faut reconnaître comme plus digne de foi ce qui peut de soi-même réfuter le faux par le vrai. Que trouver en ce cas de plus fiable que les sens ? La raison tout entière issue de la sensation pourra-t-elle les réfuter si sa source est trompeuse?? Qu’ils ne soient pas vrais et  toute la raison devient fausse. »   (LUCRÈCE, De la nature, vers 50 av. J.C.)


3.
PERCEPTION, SENSATION, CONNAISSANCE À l’ÉPOQUE CLASSIQUE

1. DESCARTES : Relation entre perception et réalité

A. La perception est déjà un produit de l’intellect : (Cf.  «?L’analyse du morceau de cire?», 2e Méditation)

La perception porte déjà en elle des jugements de l’intellect qui donnent leur sens aux données sensibles :

«?Que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux. »

  (DESCARTES, 2e Méditation, 1641)

La relation entre les objets réels (extérieurs à notre pensée) et leur représentation dans notre perception est problématique?:

«?Il faut que nous pensions […] des images qui se forment en notre cerveau […] qu’il est seulement question de savoir comment elles peuvent donner moyen à l’âme de sentir toutes les diverses qualités des objets auxquels elles se rapportent, et non point comment elles ont en soi leur ressemblance.?»

(DESCARTES, La Dioptrique, 1637)

 Comme pour toutes les espèces animales, la seule condition nécessaire quant à la relation entre la réalité et ce que nous en fait connaître notre perception, est qu’elle permette de repérer dans les objets réels de notre milieu certaines qualités permettant notre conservation individuelle (nutrition, sommeil) et celle de l’espèce (reproduction). De ce fait :

« ll n’y a aucunes images qui doivent en tout ressembler à ce qu’elles représentent : car autrement, il n’y aurait point de distinction entre l’objet et son image ; mais il suffit qu’elles ressemblent en peu de choses ; et souvent même, leur perfection dépend de ce qu’elles ne leur ressemblent pas tant qu’elles pourraient faire. Comme vous voyez que les tailles-douces, n’étant faites que d’un peu d’encre posées ça et là sur du papier, nous représentent des forêts, des villes, des hommes, des batailles et des tempêtes, bien que, d’une infinité des diverses qualités qu’elles nous font concevoir en ces objets, il n’y en ait aucune que la figure seule dont elles aient proprement la ressemblance […] En sorte que souvent, pour être plus parfaite en qualités d’images, et représenter mieux un objet, elles doivent ne pas lui ressembler. »

(DESCARTES, La Dioptrique, 1637)

B. Problème du rapport entre chose perçue et perception que l’on en a :

      • Le lien entre la réalité et la perception n’est pas nécessairement un rapport de ressemblance — de la même façon es mots et les signes représentent aussi des choses sans leur ressembler grâce à un rapport de signification : une chose est le signe d’une autre de manière qui peut n’être que conventionnelle. (Cf. Cours sur le «?Langage?»)
      • Critique de l’analogie classique entre les relations [réalité —> perception] et [perception —> tableau] : grâce à diverses techniques artistiques (gravure, dessin en perspective…), les artistes représentent ce qu’ils perçoivent par des formes qui «?pour être plus parfaites en qualité d’images, et représenter mieux un objet, doivent ne pas lui ressembler?».

2. LOCKE : Distinction entre qualités premières et qualités secondes

Dans son Essai sur l’entendement humain, Locke introduit un distinction importante dans la perception, entre les qualités premières (étendue, nombre) et les qualités secondes (couleur).

«?Ce qui est doux, bleu ou chaud dans l’idée n’est autre chose dans les corps auxquels on donne ces noms qu’une certaine grosseur, figure et mouvement des particules insensibles dont ils sont composés.?»

(LOCKE, Essais sur l‘entendement humain, 1690)

      • Les qualités premières d’une chose que nous percevons sont entièrement inséparables de cette chose qui les conserve indépendamment de la perception qu’on peut en avoir. Elles sont liées à la matérialité des choses :
        Ex. : l’étendue, la solidité, la forme, le mouvement, le nombre sont des qualités premières.
      • Les qualités secondes sont celles qui ont pour cause les qualités premières des choses mais qui n’existent que comme «?idées?» en nous  ne correspondent donc pas à la réalité. Elles sont liées aux formes propres de la perception humaine.
        Ex. :  le goût, la couleur, la chaleur, etc. sont des qualités secondes, produites en nous par les qualités premières des choses (causées par les particules matérielles qu’elles émettent et que perçoivent nos sens).

4. LE LANGAGE COMME REPRÉSENTATION DU MONDE

Si la perception est notre première représentation du monde, le langage permet à travers un certain type de discours, de donner une représentation « théorique » de ce monde en associant des mots aux choses, des phrases aux faits, des théories à des domaines particuliers du monde (matière, société, vivant, univers…).

A. Le langage comme représentation du monde

Le langage en général permet à l’être humain de disposer d’une représentation “interne” du monde.

La capacité humaine à symboliser, c’est-à-dire à représenter des objets de la perception par des mots, des faits perçus par des phrases, soumet l’ordre du réel à celui du langage :

      • Les phrases auxquelles nous attribuons une valeur de vérité représentent pour nous le réel.
      • Nous pouvons planifier à l’aide de la pensée langagière nos actions futures, modifions le réel suite à des décisions prises à l’aide du langage.

Cela est rendu possible par le fait qu’en attribuant à chaque type d’objet donné par la sensibilité un nom, à chaque type d’action un verbe, notre pensée langagière représente adéquatement le réel.

«?Le langage re-produit la réalité. Cela est à entendre de la manière la plus littérale : la réalité est produite à nouveau par le truchement du langage. Celui qui parle fait renaître par son discours l’événement et son expérience de  l’événement. Celui qui l’entend saisit d’abord le discours et, à travers ce discours, l’événement est reproduit.?»

«? Le langage représente la forme la plus haute d’une faculté qui est inhérente à la condition humaine, la faculté de symboliser. Entendons par là, très largement, la faculté de représenter le réel par un “signe” et de comprendre le ”signe” comme représentant le réel, donc d’établir un rapport de “signification” entre quelque chose et quelque chose d’autre.?»      

(Emile BENVENISTE, Problèmes de linguistique générale, 1966)

B. Chaque langue en particulier véhicule une conception particulière du monde

    • « Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde. » (Ludwig WITTGENSTEIN, Tractatus logico-philosophicus, 1921)
    • L’hypothèse de Sapir-Whorf : « Le fait est que la ”réalité” est, dans une grande mesure, inconsciemment construite à partir des habitudes linguistiques du groupe. Deux langues ne sont jamais suffisamment semblables pour être considérées comme représentant la même réalité sociale. Les mondes où vivent des sociétés différentes sont des mondes distincts, pas simplement le même monde avec d’autres étiquettes. » (Edward SAPIR, 1940)

 Ex. :Là où nous ne percevons que de la neige, les Inuits distinguent pas moins de 50 objets différents : Aluiqqaniq, « congère sur la pente d’une colline »?; Aneo, « neige pour l’eau »?; Aneogavineq, « neige très dure et compacte »?; Aniulc, « neige pour l’eau à boire » ; Aniuvalc, « neige résiduelle dans les trous » ; Aoktorunrzeq, « neige tassée, fondue et gelée?», etc. Par contre, le mot générique «?neige?» n’existe pas en Inuit.

C. Les représentations discursives du monde : religion, idéologie, science

Au cours de l’histoire de l‘humanité, ces 3 types de discours ont visé à produire une représentation du monde communicable (grâce au langage), satisfaisant aux besoins des individus et des sociétés.

    • Une religion construit, en général sur la base de récits mythologiques, une représentation de l’histoire du monde et de la communauté humaine qui l’adopte. Partagée par cette communauté, elle fournit par ailleurs des bases rituelles pour l’organisation pratique de la vie sociale et des fondements moraux pour réguler les comportements.
      Les représentations du monde (et en particulier l’explication des phénomènes naturelles phénomènes  produites par la religion font appel à des forces surnaturelles (dieux, esprits…)
      Ex. : le tonnerre et la foudre expliqués par la colère de Zeus, les tempêtes par celle de Poséidon, etc.
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    • Une idéologie est un ensemble d’idées, de conceptions sociales, politiques, morales, religieuses, propre à un groupe, à une classe sociale ou à une époque. C’est un système d’idées, d’opinions et de croyances visant à déterminer ou influencer les comportements individuels ou collectifs.
      Les idéologies s’appuient sur un ensemble de principes simples qui permettent de fournir des explications simples en vue de l’action (et non de la connaissance du monde tel qu’il est). De ce point de vue, elles sont nécessairement « réductrices » : la complexité du monde est « réduite » à ce qui est utile en vue de buts (moraux, politiques, économiques…) fixés.
      Ex. : idéologies marxiste, capitaliste, etc.
      NB : la religion peut être réduite à son aspect d’utilité sociale et alors être conçue comme un forme particulière d’idéologie.
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    • Une science est un discours cohérent formalisant les connaissances concernant un domaine d’objets (elle vise donc l’objectivité) ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par les méthodes expérimentales.
      Contrairement aux religions et idéologies qui sont dogmatiques (s’appuient sur des affirmations considérées comme incontestables et intangibles) les sciences visent à décrire (idéalement) la réalité telle qu’elle est, de sorte qu’elles sont en perpétuelle évolution. Des lors que les progrès technique (télescope, microscope…) permettent d’acquérir de nouvelles informations sur la réalité, les théories scientifiques doivent les prendre en compte et si nécessaires être modifiées pour pouvoir les prendre en compte.
      Ex. : physique, chimie, biologie, psychologie, sociologie…
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5. REPRÉSENTER LE MONDE : DÉCRIRE, FIGURER, IMAGINER

A. Définitions

    • Décrire : Représenter par le langage, à l’oral ou à l’écrit, un domaine de la réalité (objet, personne, lieu, événement…) de manière à en transmettre une forme de connaissance.
      Décrire le monde, c’est donc en donner une représentation qui n’est pas une explication. Il s’agit seulement de traduire dans un discours un « vécu», une expérience — ce qui permet de transmettre (communiquer) cette expérience à quelqu’un qui ne l’a pas vécue.
      Dans une description, on se contente de rapporter les faits tels qu’ils nous apparaissent ou nous sont apparus aussi objectivement que possible. La qualité d’une description dépendra de sa fidélité à ce qu’elle prétend représenter : les noms correspondent-ils bien aux choses que l’on veut décrire ? les adjectifs aux qualités de ces choses ? les verbes aux états ou actions ?
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    • Figurer : Donner une apparence (en général visuelle) à quelque chose, représenter quelque chose par des formes (objectivées par le dessin, la peinture, la sculpture…) en en rendant perceptibles certains aspects (carte, portrait, art « figuratif »…) de telle sorte que l’on puisse en avoir une certaine connaissance.
      NB : On oppose l’art « figuratif » (qui représente quelque chose), à l’art abstrait.
      Comme la carte (géographique), le schéma (anatomique, technique…), est une manière de figurer (représenter graphiquement) l’essentiel, le plus souvent symboliquement, pour ne présenter dans la représentation que les informations utiles.
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    • Imaginer : se représenter mentalement l’image (mais on peut aussi imaginer un son) d’un être indépendamment d’une éventuelle correspondance avec la réalité.
      L’imagination donne à l’être humain la possibilité de concevoir ce qui n’existe pas mais aussi ce qui n’existe pas encore (avant de le réaliser concrètement). De ce point de vue, c’est l’un des outils créatifs de l’esprit humain, celui qui permet de se projeter dans l’avenir, d’inventer (ce qui n’existe pas encore).

« Bien souvent on imagine alors qu’on prétend décrire. » (BACHELARD, Poétique de l’espace,1957)