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I. LE SUJET

1. La notion de sujet

Définition : en philosophie, le sujet (du latin subjectum, ce qui se trouve en dessous, ce qui soutient) est ce qui reste identique dans le flux de l’expérience humaine, ce que désigne le mot «?Je?» («?sujet?» des verbes indiquant états ou actions).

Le «?sujet?» qui intéresse la philosophie est le «?moi?» dans son universalité (et non la subjectivité particulière ou singulière du moi psychologique). Le sujet est donc ce qui, dans le «?moi?», est commun à tous les êtres humains. Dans la philosophie occidentale, cette notion  a longtemps été indissociable, depuis Descartes, de celle de « conscience réflexive » (capacité qu’a le sujet de se prendre lui-même pour objet).

Le concept de sujet, puisqu’il s’applique universellement à tout être humain (et peut-être pourrait-il l’être à certains animaux), implique le partage par tout être humain de facultés communes : conscience réflexive, raison, mémoire, imagination, affectivité…). Considérer autrui comme un sujet, c’est le reconnaître comme un autre «moi» possédant, au moins potentiellement, une autonomie propre.

Du point de vue moral, cela implique de reconnaître à autrui les mêmes qualités que celles que l’on se reconnaît soi-même. Les rapports d’un sujet avec un autre sujet ne peuvent alors qu’être équitables. La notion de sujet, dès lors qu’elle est posée comme universelle, exclue par exemple les rapports de domination.

Du point de vue juridique, cela conduit au concept de « personne » auquel on associé les concepts de « dignité », de « responsabilité ». L’universalité de cette notion de personne rend possible la rationalisation du Droit, une conception du Droit qui puisse être acceptée par tous. Elle est à la source de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

Cette notion de sujet telle qu’elle se développe à partir de Descartes, c’est-à-dire fondée sur la conscience réflexive, va par la suite évoluer et s’enrichir, en particulier à partir de la question du statut de l’inconscient (Cf. cours suivants).

2. Les notions associées :

  • Conscience (cum scientia = avec savoir) : connaissance immédiate de notre propre activité psychique, perception de notre propre existence et du monde qui nous entoure.
  • Perception : connaissance la plus immédiate par le sujet du monde (d’origine externe) et de soi-même (d’origine interne).
  • Inconscient : partie du sujet (de soi) qui n’est pas connue de lui-même mais peut néanmoins déterminer des contenus conscients.
  • Désir : dynamique propre du sujet, orientée vers un objet à partir de sa représentation.
  • Autrui : objet particulier dans la conscience, reconnu par le sujet comme un autre soi (donc différent de tous les autres types d’objets) et partageant donc avec soi des déterminations (conscience, désirs, mémoire, imagination, raison…).
  • Temps et existence : le temps comme « forme » particulière de l’existence de l’être humain (mais peut-être aussi de certains autres animaux évolués), avec le présent comme seule réalité du temps pour nous, le passé n’étant pour nous que les traces que nous pouvons en connaître au présent et l’avenir que la représentation que nous pouvons nous en faire au présent. Par ailleurs, la conscience que nous avons du « sens » irréversible de la vie et de sa durée finie (de la naissance à la mort) déterminent le mode d’existence propre à l’être humain.

3. La notion de psyché  chez les Grecs 

NB : la notion de psyché est en général traduite par le mot «?âme??» ou/et par «?esprit?» (= principe vital, caractéristique de tout ce qui est vivant, mais présentant des différences. elle diffère de la notion de sujet comme conscience réflexive (Descartes), puis comme personne (Locke), mais peut être considérée comme une préfiguration de la notion de psychisme. Néanmoins, elle vise à comprendre la question de l’identité subjective qui détermine la notion moderne de sujet.

A. Identité de l’âme : question du sentiment de soi, de l’identité personnelle.

      • Cf. Texte 1 de Platon, extrait du Banquet.
      • Cf. aussi «?Le bateau de Thésée?» dont on change les planches à mesure qu’elles s’usent. Jusqu’où reste-t-il le même bateau ? Il en a gardé la forme mais pas la matière… (idem pour l’être humain qui vieillit.)

B. Dynamique de l’âme : question de la «?structure de l’âme?».

      • Cf. Texte 2 de Platon, extrait de La République, Livre IX :  « partie de l’âme rationnelle, douce et faite pour commander à l’autre?» et « partie bestiale et sauvage?» «?qui s’éveille dans le sommeil?».
      • Cf. présentation de la conception tripartite de l’âme chez Platon dans La République, Livre IV : relations conflictuelles (donc dynamiques) entre l’épithumai (partie désirante), le thumos (partie agressive) et  le logistikon (partie rationnelle). La prédominance d’une de ces parties détermine un type d’homme (commerçant, soldat ou politicien), tous utiles à la Cité. Ces différentes parties de l’âme sont chacune nécessaires à l’être humain comme les différents types d’être humains sont chacun nécessaires à la cité.

C. Connaissance de soi-même : question de la possibilité et des moyens de se connaître soi-même?

      • Cf. Texte 3 de Platon, extrait de l’Alcibiade majeur. Utilisation de l’analogie entre «?se connaître soi-même?» pour l’âme et «?se regarder soi-même?» pour l’œil : l’œil doit regarder dans l’«excellence?» d’un œil (la pupille) pour s’y voir lui même ; de même l’âme doit regarder dans l’«?excellence?» d’une âme (le savoir, la pensée, la réflexion) pour se connaître elle-même.

4. Un texte de synthèse sur la notion de sujet

Dans le texte suivant, Schopenhauer établit met en relation différentes notions associées à la question du sujet (conscience, inconscient, perception, temps…).

«?Ce qui connaît tout et n’est connu par personne, c’est le SUJET. C’est par suite le support du monde, la condition générale, toujours présupposée, de tout ce qui se manifeste, de tout objet : car ce qui existe n’existe jamais que pour un sujet. Chacun se trouve être soi-même ce sujet, mais seulement en tant qu’il connaît, et non pas en tant qu’objet de connaissance. Objet, son corps l’est déjà, que nous nommons donc, de ce point de vue, représentation. Car le corps est un objet parmi les objets, soumis aux lois des objets, bien qu’il soit un objet immédiat. Comme tous les objets de l’intuition, il réside dans les formes de toute connaissance, dans le temps et l’espace, conditions d’existence de la multiplicité. Mais le sujet, ce qui connaît, mais n’est jamais connu, ne réside pas même dans ces formes (le temps et l’espace), qui, au contraire, le présupposent toujours déjà. Ni la multiplicité ni l’unité, son contraire, ne s’appliquent à lui. Nous ne le connaissons jamais, mais il est justement ce qui connaît, là où il n’en va que de la connaissance.

Arthur SCHOPENHAUER, Le monde comme volonté et représentation, 1819, §2

Pour mieux comprendre le sens de ce texte, le §1 du livre fournit les fondements de la philosophie de Schopenhauer : « Le monde est ma représentation – c’est une vérité qui vaut pour tout être vivant et connaissant, encore que seul l’homme puisse la porter à la conscience réfléchie et abstraite ; et quand il le fait effectivement, il accède à la réflexion philosophique. Alors, il se rend à la certitude et l’évidence, que ce qui est connu par lui n’est ni le soleil ni la terre mais que ce n’est jamais qu’un œil voyant le soleil, une main touchant une terre, que le monde environnant n’existe qu’à titre de représentation, c’est-à-dire seulement en rapport avec quelque chose d’autre : avec ce qui se représente, à savoir l’homme lui-même. »