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QU’EST-CE QUE LES LUMIÈRES ? : PARAGRAPHE 6

[Présentation de Kant] Kant (1724-1804) est un philosophe allemand de la période des Lumières. Son œuvre s’articule autour de trois questions :

  • « Que puis-je savoir ? » détermine une philosophie de la connaissance, avec en particulier son œuvre la plus importante, la « Critique de la raison pure ».
  • « Que puis-je faire ? » détermine une philosophie morale, avec en particulier la « Critique de la raison pratique » [« pratique » = en relation avec l’action donc avec la morale].
  • « Que puis-je espérer ? » détermine la méthode que Kant appelle « critique », à savoir que la raison doit parvenir à fixer ses propres limites, aussi bien dans le domaine de la connaissance que dans celui de la morale.

[Présentation du texte] Dans le texte « Qu’est-ce que les Lumières ? » publié en 1784, Kant :

  • caractérise les Lumières comme un progrès de l’humanité dans l’usage de la raison ;
  • puis il s’interroge sur les mécanismes qui maintiennent chaque individu et au-delà l’ensemble de l’humanité dans l’état de « minorité » (= de dépendance morale, d’absence d’autonomie morale) ;
  • il montre ensuite les limites nécessaires à la liberté d’expression pour que celle-ci ne soit pas source de conflits sociaux, avant de considérer cette question dans le cas particulier de la religion ;
  • enfin il insiste sur l’intérêt qu’ont les gouvernants à favoriser la liberté de penser et de s’exprimer des citoyens.

[6] En revanche, en tant que savant qui s’adresse par des écrits au public en général, c’est-à-dire au monde, le prêtre jouit sans restriction de la liberté d’utiliser sa propre raison et de parler en son propre nom. Car, prétendre que les tuteurs du peuple (dans les questions religieuses) doivent eux-mêmes être mineurs, est une ineptie qui aboutit à perpétuer les inepties. Mais une société d’ecclésiastiques, par exemple un concile ou une véritable « classe » (comme elle se nomme elle-même chez les Hollandais) ne serait-elle pas habilitée à s’obliger mutuellement par serment à respecter un corps doctrinaire immuable, dans le but d’exercer une tutelle incessante sur chacun de ses membres et, par leur intermédiaire, sur le peuple, rendant ainsi cette tutelle pratiquement éternelle? Je dis : c’est tout à fait impossible. Un tel contrat, conclu pour écarter à tout jamais du genre humain toute lumière nouvelle, est tout bonnement nul et non avenu, quand bien même il serait entériné par le pouvoir suprême, par des assemblées législatives et par des traités de paix les plus solennels. Une époque ne peut se liguer et prétendre mettre la suivante dans une situation telle qu’il lui serait interdit nécessairement d’étendre ses connaissances (surtout celles qui sont d’un si haut intérêt pour elle), d’en corriger les erreurs et, en un mot, de progresser vers les Lumières. Ce serait là un crime contre la nature humaine, pour laquelle la réalisation de ce progrès constitue précisément la destination originelle. Ceux qui viennent après ce genre d’alliance sont donc pleinement fondés à rejeter ces décisions comme résultant d’un acte illégitime et sacrilège.

Commentaire à venir.