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QU’EST-CE QUE LES LUMIÈRES ? : PARAGRAPHE 5

[Présentation de Kant] Kant (1724-1804) est un philosophe allemand de la période des Lumières. Son œuvre s’articule autour de trois questions :

  • « Que puis-je savoir ? » détermine une philosophie de la connaissance, avec en particulier son œuvre la plus importante, la « Critique de la raison pure ».
  • « Que puis-je faire ? » détermine une philosophie morale, avec en particulier la « Critique de la raison pratique » [« pratique » = en relation avec l’action donc avec la morale].
  • « Que puis-je espérer ? » détermine la méthode que Kant appelle « critique », à savoir que la raison doit parvenir à fixer ses propres limites, aussi bien dans le domaine de la connaissance que dans celui de la morale.

[Présentation du texte] Dans le texte « Qu’est-ce que les Lumières ? » publié en 1784, Kant :

  • caractérise les Lumières comme un progrès de l’humanité dans l’usage de la raison ;
  • puis il s’interroge sur les mécanismes qui maintiennent chaque individu et au-delà l’ensemble de l’humanité dans l’état de « minorité » (= de dépendance morale, d’absence d’autonomie morale) ;
  • il montre ensuite les limites nécessaires à la liberté d’expression pour que celle-ci ne soit pas source de conflits sociaux, avant de considérer cette question dans le cas particulier de la religion ;
  • enfin il insiste sur l’intérêt qu’ont les gouvernants à favoriser la liberté de penser et de s’exprimer des citoyens.

[5] Mais dans la mesure ou l’individu, qui est une partie de la machine, se considère aussi comme membre de toute une communauté, voire de la société humaine pensée en sa totalité, il peut, s’adressant comme un savant à un public, raisonner sans qu’en souffrent les activités auxquelles il est lié par ailleurs en tant que membre passif. Ainsi serait-il dangereux qu’un officier ayant reçu des ordres se mît à raisonner, dans son service, sur l’opportunité ou l’utilité d’un ordre. Il doit obéir. Mais on ne peut légitimement lui interdire, cette fois à titre de savant, des remarques sur les erreurs touchant son service, remarques qu’il soumettrait à son public afin qu’il puisse en juger. De même, le citoyen ne peut refuser de payer les impôts auxquels il est soumis ; une critique impertinente de ces charges, au moment où il doit s’en acquitter, peut même être punie comme scandale (susceptible de provoquer des actes d’insoumission généralisés). Cependant, le même citoyen n’ira pas à l’encontre de son devoir s’il expose publiquement, comme savant, ses réflexions sur le caractère inconvenant, voire injuste, de telle ou telle imposition. De même un prêtre est-il tenu de s’adresser à ses ouailles et à sa paroisse en respectant la doctrine de l’Église qu’il sert, car c’est à cette condition qu’il occupe son poste. Mais en tant que savant, il a toute liberté, il a même la mission, de communiquer au public ses réflexions soigneusement pesées et bien intentionnées sur ce qu’il y aurait selon lui d’erroné dans cette doctrine, tout autant que des propositions visant une meilleure organisation des affaires religieuses et ecclésiastiques. En cela, on ne pourrait rien reprocher à sa conscience. Car ce qu’il enseigne dans le cadre de ses fonctions, c’est-à-dire comme mandataire de l’Église, il ne peut l’enseigner en suivant ses opinions personnelles ; il doit plutôt l’exposer en suivant des instructions et au nom d’un autre. Il dira : « Notre Église enseigne ceci ou cela » ; « Voici les arguments dont elle se sert ». Il tirera ensuite pour sa paroisse tous les avantages pratiques de préceptes auxquels il ne souscrirait peut-être pas en toute conviction, mais qu’il peut néanmoins exposer, puisqu’il peut s’y trouver des vérités cachées – mais cela dans la mesure où il n’y trouve rien de contradictoire avec la religion intérieure. Car si tel était le cas, il ne pourrait assumer sa charge en toute conscience et devrait s’en démettre. Par conséquent, l’usage qu’un ministre du culte fait de sa raison devant une communautés de fidèles n’est qu’un usage privé ; car il ne s’agit que d’une réunion de famille, quelle que soit l’importance de cette communauté. Sous ce rapport, en tant que prêtre, il n’est pas libre et ne doit pas non plus l’être, puisqu’il exécute une tâche qui lui est déléguée.

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