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LE DEVOIR DANS L’ACTUALITÉ
Coronavirus : « Au niveau individuel, certains comportements sont désespérants »
Comment faire face à cette pandémie inédite ? Les médecins sont tous sur le pont, et tombent parfois eux-mêmes malades. « Charlie » a interviewé l’un d’entre eux, pneumologue dans un hôpital. Il parle sous couvert d’anonymat et dénonce sans concession les comportements parfois très individualistes de certains patients.
Quelle est la situation dans votre hôpital??
Pour l’instant, nous avons bien anticipé la vague de malades. De nouveaux lits ont été ouverts grâce au personnel soignant volontaire pour travailler en plus de leurs heures habituelles, ce qui implique des astreintes les week-ends. Chaque jour, nos équipes médicales sont mobilisées et présentes sur site une bonne partie de la nuit. En niveau 2, nous étions débordés, passer en niveau 3 a fait baisser la pression en permettant aux établissements hospitaliers du reste du territoire d’accueillir les malades du coronavirus. La réorganisation du circuit des urgences avec la mise en place de lits dédiés au Covid-19 nous a également permis de protéger les patients qui arrivaient de l’extérieur aux urgences classiques, pour d’autres motifs. La diminution constatée de leur nombre laisse supposer une crainte de la population de fréquenter un secteur à risque de contamination.
Dans votre service, avez-vous été confrontés à ce qu’on a pu constater en Italie, c’est-à-dire devoir choisir entre les malades à sauver??
Non, mais nous risquons de devoir le faire. Pour l’instant, il y a encore de la place et assez de matériel mais le nombre de malades ne cesse d’augmenter et nous ne savons pas pour combien de temps.
Quel est votre regard sur cette période particulière??
Sur le plan collectif, tout a bien fonctionné, tout a été mis en place pour soigner les malades, mais au niveau individuel, certains comportements sont désespérants. On a constaté une disparition des masques mis à disposition dans les hôpitaux et et on a pu voir qu’ils étaient revendus sur Le Bon Coin à des prix indécents. J’ai été choqué par l’attitude de certaines personnes, qui demandaient à être testées comme si c’était un droit. « Je paye des impôts donc j’y ai droit », m’a-t-on dit, comme si je fournissais un service au mépris des recommandations scientifiques.
Pourtant est-ce que ce n’est pas compréhensible de vouloir être testé pour savoir si on est malade ou pas?? Des ministres ont pu être testés et pas des personnes « lambda », c’est une critique que l’on a souvent entendue…
Les indications pour être testé sont parfaitement établies et régulièrement actualisées au vu de l’évolution de la situation de l’épidémie : 1) patients ayant un tableau clinique justifiant une hospitalisation?; 2) personnels soignants au contact de patients. Pour le reste des personnes lambda?; ministres compris, si on a des symptômes, il convient de rester confiné chez soi et d’éviter tout contact extérieur pour diminuer le risque d’extension de l’épidémie. L’option sanitaire choisie à ce jour est cohérente. Par ailleurs, les données scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure à une protection contre une réinfection. Les recherches sont en cours et permettront, je l’espère, de répondre à cette question. Au stade 2 de l’épidémie, alors que nous étions débordés, on a reçu de la part de l’ARS [agence régionale de santé] l’injonction de reconvoquer un professeur des écoles, et ce alors que les établissements scolaires allaient être fermés. Nous devions fournir à l’ARS des données épidémiologiques systématiques pour analyser la progression de l’épidémie, mais sur le terrain, en pratique, nous étions passés à la prise en charge totale en soin, et sa demande était à ce moment en décalage avec le terrain. Nous ne pouvions pas faire face. Il fallait passer rapidement au niveau 3 et arrêter de détecter tout le monde. Quant aux « VIP », nous en avons testé 3 dans la semaine, un homme politique local, une personne asymptomatique recommandée par le Samu et la personne qui payait des impôts (!) mais aucun égard, je vous le garantis, n’a été pris pour ces gens qui se sont rajoutés à la charge de travail déjà très importante dans cette unité. Chez nous, les seuls VIP sont les patients dont l’état nécessite une prise en charge.
Que pensez-vous des mesures de confinement?? Pourquoi en Angleterre, à l’inverse, on a opté pour une autre stratégie??
Il y a deux écoles, celle du confinement et celle de l’immunité de masse par diffusion progressive du virus. Les scientifiques sont partagés. Je ne peux pas vous dire que l’on a opté pour la bonne solution, mais nous le saurons une fois que l’épidémie sera terminée et que les résultats d’analyse scientifiques auront été étudiés.
Vous-même, vous avez été contaminé, comment ça s’est passé?? Comment allez-vous??
J’ai travaillé en unité Covid quarante-huit heures non-stop dans l’hôpital, 4 jours plus tard, j’ai senti un début d’état grippal, frissons, toux sèche et courbatures. J’ai été testé positif et suis donc rentré en phase de confinement pour une durée de quatorze jours. Je ne peux pas être remplacé, ce qui augmente la charge de travail de mes collègues, et ça me désespère. C’est frustrant de ne pas pouvoir travailler alors que je pourrais me rendre utile. Je serai dans le pic de la maladie d’ici à aujourd’hui ou mercredi. Si je sens que je ne respire pas bien ou que je suis essoufflé, à ce moment-là j’irai à l’hôpital, mais tant que ce n’est pas le cas, je peux rester chez moi et participer de loin à l’organisation du service et rappeler tous mes patients pour faire le point en téléconsultation et reporter leur consultation après l’épidémie. »
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Arnaud Beltrame : le gendarme «héros»
Le Point,
Un « héros » qui « se bat jusqu’au bout » et mesurait certainement la portée fatale de son geste: Arnaud Beltrame, le lieutenant-colonel de gendarmerie décédé après s’être substitué à une otage du tueur jihadiste de l’Aude, forçait samedi l’admiration de la France.
Pour sa famille, l’acte de bravoure de Beltrame était toutefois une évidence, vu les convictions chevillées au corps de l’officier. « Il me dirait: « je fais mon travail maman, c’est tout », a confié sa mère vendredi soir au micro de la radio RTL.
« Ça ne m’étonne pas de lui (…) Il a toujours été comme ça, c’est quelqu’un qui, depuis qu’il est né, fait tout pour la patrie (…). Pour lui, c’est sa raison de vivre, défendre la patrie. C’est Arnaud ça, voilà, défendre les autres », a-t-elle ajouté.
Peu après la prise d’otages de Radouane Lakdim dans le Super U de Trèbes vendredi, Beltrame s’était livré à la place d’une personne retenue. Et avait laissé son téléphone ouvert sur une table, permettant aux autorités d’entendre ce qu’il se passait à l’intérieur du supermarché et de déclencher l’assaut après les coups de feu de l’assaillant sur l’officier.
« Il est parti en héros » mais il « savait certainement qu’il n’avait pratiquement aucune chance » et « il n’a pas hésité une seconde », a souligné de son côté samedi matin son frère Cédric Beltrame, sur RTL.
Grièvement blessé, l’officier, dont la famille est originaire du Morbihan, a succombé à ses blessures à l’aube.
Un gendarme qui « n’abandonne jamais »
Agé de 45 ans, Arnaud Beltrame, yeux clairs et élancé, était sorti major de l’Ecole militaire interarmes de Saint-Cyr Coëtquidan en 1999, où ses supérieurs avaient décelé un militaire « qui se bat jusqu’au bout et n’abandonne jamais », selon l’Elysée.
Il était sorti également major de l’école des officiers de la gendarmerie en 2001 avant d’être retenu en 2003 avec six autres gendarmes sur 80 candidats pour intégrer le GSIGN (actuel GIGN).
Déployé en Irak, commandant de compagnie au sein de la Garde Républicaine et affecté pendant quatre ans à la sécurité de l’Elysée, l’officier avait également été commandant de la compagnie d’Avranches (Manche) jusqu’en 2014, avant de devenir conseiller auprès du secrétaire général du ministère de l’Écologie.
Marié sans enfants, Arnaud Beltrame, qui devait se marier religieusement cette année dans l’église de la cité médiévale de Carcassonne, venait d’arriver l’an dernier dans la préfecture de l’Aude comme officier adjoint du groupement de gendarmerie départemental.
Et devant la caserne samedi, où étaient postés deux gendarmes en faction, les habitants de Carcassonne et des environs affluaient malgré la pluie et déposaient des dizaines de bouquets de fleurs en hommage au gendarme.
Sur ces bouquets, des cartes de condoléances ou des lettres manuscrites comme celle de la petite Lilou disant: « A l’école, nous avons eu très peur (…) Vous êtes très courageux ».
« On est un peu abasourdis, c’est notre petite façon à nous de dire qu’on pense à eux. On sait qu’il y avait des fichés S (à Carcassonne). Cela n’arrive pas que dans les grandes villes, c’est le sentiment de tout le monde ce matin, on est à l’abri nulle part », a déclaré Roselyne Gazel.
Arrivée avec un bouquet de roses blanches, portant l’inscription « Merci » Marie-Claire Castel, habitante de Montlegun, village situé à côté de Trèbes, appelle elle à un « hommage national » pour Beltrame.
« C’est un héros, j’ai pas dormi de la nuit, j’ai beaucoup prié en pensant qu’il y aurait un miracle, qu’on le sauverait. Il a sauvé des vies », a-t-elle déclaré, très émue.