Corrigé d’exercice

Rappel de l’exercice proposé : Sur le modèle des deux exemples (Aristote, Kant), et en vous aidant des éléments de cours concernant la morale de Rousseau, présentez une application de celle-ci au cas d’une pandémie. À quelles obligations nous soumet la morale du sentiment de Rousseau (si l’on en accepte les principes) dans une situation d’épidémie ?

NB : Les deux propositions de corrigé ci-dessous sont le travail d’Anna et Léa (avec leur accord). Elles ont été rendues quelque heures après la mise en ligne de l’exercice et témoignent de la possibilité de comprendre parfaitement le cours dans ce temps, de le maîtriser au point de pouvoir appliquer les notions abstraites qui y sont développées à un cas concret (ce qui est le but pratique de la philosophie).
Et pour ceux que cela concerne, un rappel (pour aujourd’hui et le reste de leur vie : « Le secret de l’action, c’est de s’y mettre » (ALAIN).

Travail réalisé par Anna Bilotta (TL)

« Durant une crise sanitaire comme celle que nous traversons, il est vrai que l’homme est amené à la reflexion, à l’introspection et à la remise en questions de ses actions. Il se voit donc balancer entre amour de soi et pitié. En effet le genre humain à tendance à tendre vers le plaisir et par conséquent le bonheur, cependant ses passions s’expriment au détriment d’autrui lors de situations hors normes comme celle-là.
«?Quoi que toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au-dedans de nous, et c’est par eux seuls que nous connaissons la convenance ou la disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons rechercher ou fuir.?» Concernant la situation actuelle, une disconvenance peut par exemple être le fait de sortir la nuit en cachette pour assouvir son désir de liberté sans être arrêté. Mais l’homme, doté selon Rousseau d’un sentiment inné de pitié, culpabilisera par la suite d’avoir fait ce que son voisin ne peut pas faire, par respect du règlement stricte imposé et par respect du genre humain qui peut être infecté.
Le sentiment d’empathie est quant à lui présent en nous afin de développer la solidarité et l’entre aide durant des périodes difficiles comme celle-ci. On peut donc l’associer au soignants qui effectuent un travail phénoménal.
L’homme est donc tiraillé entre l’assouvissement de ses désirs qui se voient démultipliés de par le confinement et les règles strictes qui entachent sa liberté. Le respect d’autrui qui, s’il n’est pas honoré, peut entrainer remord et culpabilité. On peut cependant penser qu’en ces temps de confinement l’homme est plus faible que lorsqu’il est en société et en constante relation avec l’autre, puisque l’homme est un animal social. Donc, cela nous renvoie au mythe de l’anneau de Gyges. En effet, lorsque l’homme sort le soir en cachette pour assouvir son désir, personne ne l’a vu, donc son voisin ne peut pas le jalouser, et la culpabilité de cet homme n’est par conséquent que minime. « Pour vivre heureux, vivons cachés. » Cependant, vivre en société c’est aussi cela, accepter de sacrifier ses désirs et son propre bonheur au profit de la guérison de la planète.
L’homme doit donc faire la part des choses et concilier des désirs simples et réalisables, et le respect de tous. L’homme doit savoir se gouverner lui-même et équilibrer les passions contradictoires qui sont en lui afin de « recréer » lui même la justice, qui actuellement est inefficace. »

Travail réalisé par Léa GIAT :

« Pour Rousseau, le devoir moral naît d’un sentiment inné (empathie, bienveillance, pitié …). Puisque ces sentiments innés sont indissociables de l’homme, alors le devoir moral n’est pas perçu comme une contrainte puisqu’il serait naturellement présent dans la conscience : il (le devoir moral) « est à l’âme ce que l’instinct est au corps  ». Ainsi il existerait chez tous les êtres humains un instinct moral qui « ne nous trompe jamais » et qui est «  le vrai guide de l’homme. » Pour prouver que cet instinct est bien naturellement présent chez tous les hommes, Rousseau s’appuie sur l’existence de sentiments inhérents à la condition humaine telle que la honte ou le remords. « Ainsi il est au fond de nos âme un principe inné de justice et de vertu sur lequel […] nous jugeons nos actions et celles d’autrui comme bonnes ou mauvaises. »
Ensuite Rousseau explique qu’il existe deux sentiments innés qui déterminent la morale. Tout d’abord l’amour de soi, qui es t un sentiment égoïste, dévolu à la conservation de l ’individu et de l’espèce, on peut également nommer ce sentiment « instinct de survie ». Et le second, la pitié aussi nommé empathie : c’est un sentiment altruiste qui est dévolu à la conservation de l’espèce. Ces deux sentiments guident l’âme et précède la rai son, comme un pré-sentiment avertissant notre conscience. La raison es t donc au service de ces sentiment, « la moralité de nos act ions […] consiste dans le jugement que nous en portons nous-mêmes. » Tandis que l’amour de soi et la pitié sont la « voix de l’âme », les autres sentiments, appelés « passions » sont les « voix du corps » et peuvent se trouver en contradiction avec la raison puisqu’ils ne sont pas directement liés à elle comme l ’amour de soi et la pitié. Ainsi ces sentiments jugent nos act ions de la même manière que le plaisir et la douleur jugent les sensations. Cette réaction est tout à fait naturelle puisque l’homme recherche ce qu’il y a de mieux pour lui-même e t son espèce ainsi il recherche le bien pour fuir le mal et recherche le plaisir pour fuir la douleur : « c’est par eux seuls (les sentiments) que nous connaissons la convenance ou la disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons rechercher ou fuir.  »
Enfin Rousseau intègre la notion de sentiment inné d’empathie, nous serions donc capable ressentir ce que ressent autrui. Si nous sommes entourés de personnes joyeuses, alors nous serons nous même joyeux mais si nous voyons une personne souffrir alors nous serons à même de la secourir pour pour ne plus ressentir la souffrance d’autrui qui nous fait souffrir.
Quel serait alors pour Rousseau la bonne manière d’agir dans la situation d’une pandémie mettant en jeu la vie de concitoyens ?
Pour Rousseau, l’instinct moral naît de sentiments innés qui guident l’homme sans jamais se tromper. Ainsi l’« instinct moral » contraindrait l’homme à respecter les mesures prises par le gouvernement car s’il ne respectait pas ces règles, les sentiments innés tels que la honte ou le remords serviraient de gendarme intérieur afin de réguler ses désirs. Ensuite nous avons pu rappeler qu’il existait pour Rousseau deux sentiments innés qui déterminent la morale : l’amour de soi et la pitié. Ces deux sentiments œuvrent en faveur de la conservation de l’individu et de l’espèce. Ainsi le citoyen respecterait les mesures instaurées car il est bénéfique pour lui que l’espèce subsiste à cette pandémie. Cependant, il faut être prudent en ce qui concerne les « passions » qui peuvent être parfois en contradiction avec la raison. Puisque l’homme est naturellement amené à rechercher le plaisir, il pourrait être tenté par égoïsme de faire fi des conditions imposées par le gouvernement. D’ailleurs le bien et le plaisir ne sont-ils pas à certains moments antagonistes ? La recherche incontrôlée du plaisir, la soumission de nos comportements à nos désirs, n’est-elle pas la principale source du mal ? Pour Rousseau le bien est une « convenance » qui met en accord l’individu avec ses actions, alors que la « disconvenance » est sanctionnée par la honte, le remord ou l’angoisse. Mais les hommes ont-ils tous réellement de tels scrupules ?
Enfin Rousseau intègre le sentiment inné d’empathie qui ferait que dans une situation de pandémie, les gens respecteraient les règles et les mesures instaurées. En effet, de même que la vue d’une personne qui bâille nous fait bailler, une personne souffrante nous fait souffrir : ainsi il est « naturel » de secourir une personne qui souffre pour ne plus ressentir soi-même une souffrance. Dans cette même perspective, nous serions disciplinés afin de soutenir ceux qui doivent mettre leur vie en jeu afin de favoriser le bien commun (on peut penser aux applaudissements chaque soir dans les grandes villes à 20h, qui montre du soutient et de l’empathie aux personnels soignants). »