Justice : actualités

Justice : actualités2022-03-22T17:26:40+01:00

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La Justice & le Droit : actualités

LIBÉRATION, Dominique Albertini — 


Le constitutionnaliste Dominique Rousseau ne voit pas dans cet article un déni de démocratie, mais plutôt une manière d’«obliger les parlementaires à faire de la politique».

Déni de démocratie ou remède à l’impasse parlementaire ? Pour Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I, le 49.3 «ne tue pas le débat, mais l’obstruction».

Dans l’histoire de l’usage du 49.3, la décision d’Edouard Philippe samedi est-elle un cas remarquable ?
C’est la quatre-vingt-neuvième fois que l’exécutif utilise cet outil depuis 1958, et il l’a fait dans trois situations différentes : en cas de majorité faible ou relative, comme Georges Pompidou en 1967 et Michel Rocard en 1988 ; quand la majorité existe mais qu’elle est frondeuse, ce fut le cas avec Manuel Valls sur la loi dite «El Khomri» ; et enfin quand la majorité est loyale, mais que l’opposition utilise son droit d’amendement, non pour améliorer le texte, mais pour retarder son adoption. Ce fut déjà le cas sous Edouard Balladur en 1993, pour la loi sur la privatisation des entreprises publiques. La situation actuelle n’est donc pas inédite. Mais ce qui est frappant, c’est que les oppositions ne se défendent même pas de pratiquer l’obstruction, elles l’assument. Et celle-ci repose autant dans le nombre des amendements que dans leur nature, qui consiste parfois à remplacer un mot par son synonyme. C’est un spectacle qui n’est pas de nature à redorer l’image de l’institution.

Il ne s’agit donc pas, selon vous, d’un dévoiement de l’outil ?
Non : à l’origine, ce sont d’anciens présidents du Conseil de la IVe République, le socialiste Guy Mollet en tête, qui ont voulu que figure, dans la nouvelle Constitution, un article empêchant le blocage parlementaire, quelle que soit la nature de celui-ci. De Gaulle n’était d’ailleurs pas plus passionné que ça par la question, sa priorité étant surtout les articles sur le recours au référendum.

Plusieurs dispositions de la Constitution limitent les marges de manœuvre du Parlement. Pourquoi le 49.3, en particulier, concentre-t-il tant d’hostilité ?
Evidemment, les parlementaires n’aiment pas le 49.3, puisque c’est un article qui a été imaginé pour les obliger à faire de la politique, et pas du politicien. Cet outil ramène tout à une question simple : oui ou non, êtes-vous contre ce texte au point de faire tomber le gouvernement ? Cet article de responsabilité politique n’est pas populaire chez les parlementaires, parce qu’il les oblige à monter d’un cran leur analyse politique.

Pour les oppositions, le 49.3 est un déni de démocratie.
Je pense que cet article ne tue pas le débat lui-même, mais l’obstruction parlementaire. Au fond, le 49.3 est une certaine manière de relancer le débat parlementaire puisque, quand le gouvernement l’utilise, les députés ont la possibilité de déposer une motion de censure avec débat [ce qu’ont fait samedi, chacune de leur côté, les oppositions de droite et de gauche, ndlr]. Et cela permet de recentrer la discussion sur l’essentiel : la loi en cause et la responsabilité de l’exécutif. Nous aurons donc en début de semaine un vrai débat, avec des discours pour défendre et attaquer le système de retraite à points. Et n’oublions pas qu’ensuite, le texte sera transmis au Conseil constitutionnel, qui pourrait juger que certaines de ses dispositions sont contraires à la Constitution. Le débat est donc loin d’être fini.

Existe-t-il dans la Constitution d’autres outils aux effets similaires ?
On peut évoquer l’article 44 sur le «vote bloqué», qui oblige l’Assemblée à se prononcer sur tout ou partie d’un texte en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement.

Après l’avoir utilisé à six reprises sous le précédent quinquennat, l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls avait proposé en 2016 de supprimer le 49.3. Ce débat est-il nouveau ?
Manuel Valls avait fait cette proposition en tant que candidat à la primaire socialiste et non Premier ministre. Mais il y a des précédents. Les parlementaires, qui essaient depuis 1958 de regagner le pouvoir perdu, ont très tôt voulu remettre en cause cet article. En 2008, une révision constitutionnelle a limité l’utilisation du 49.3 à un seul usage par session parlementaire, sauf pour les projets de budget de l’Etat et de la Sécurité sociale. Ce recours a donc été fortement limité. Faut-il aller jusqu’à supprimer le 49.3 ? Si l’on regarde d’autres démocraties, la contrainte du Parlement est encore plus forte qu’en France car il y a l’exigence que la motion soit «constructive» : en Allemagne, par exemple, les députés ne peuvent renverser le gouvernement qu’en proposant, dans leur motion, le nom du futur Premier ministre. A côté de cette exigence, notre 49.3 paraît presque soft…

Mais certains responsables estiment que l’usage du 49.3 entache, auprès de l’opinion, le texte pour lequel il a été utilisé.
Je crois qu’il ne faut pas exagérer la capacité de l’opinion à se souvenir de quelle manière un texte a été adopté. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la force de frappe nucléaire en 1961 ou encore la réforme de la régie Renault ont été adoptés via 49.3. Qui s’en souvient ?

 

PROCÈS FRANCE TÉLÉCOM : UN JUGEMENT EXEMPLAIRE

CFDT.FR – Emmanuelle Pirat – Publié le 20/12/2019


 

L’OBS


LA FILIATION AVEC LA MÈRE D’INTENTION LORS D’UNE GPA À L’ÉTRANGER RECONNUE POUR LA PREMIÈRE FOIS EN CASSATION

La famille Mennesson est devenue un cas emblématique des débats sur la gestation pour autrui.

La Cour de Cassation a validé, vendredi 4 octobre, l’entière transcription en droit français des actes de naissance de jumelles nées par gestation pour autrui (GPA) en Californie il y a dix-neuf ans, une décision taillée sur mesure pour le « cas particulier » de la famille Mennesson, devenue emblématique.
Si la reconnaissance de la paternité de Dominique Mennesson, père biologique, était acquise, ce dossier posait la question du statut en droit français de la « mère d’intention », qui a désiré et élevé les enfants mais n’en a pas accouché.
La Cour de Cassation a estimé que la solution de l’adoption, consacrée par sa jurisprudence, n’était pas satisfaisante dans cette « affaire spécifique ».
Dominique Mennesson a réagi devant la presse au palais de justice de Paris : « Nos enfants ne sont plus des fantômes. Ce sont nos enfants, légalement parlant. »
« C’est une immense victoire pour la famille Mennesson, la fin d’un combat de dix-neuf ans », a salué l’avocat de la famille, Patrice Spinosi. Il espère que « cela fera jurisprudence pour des cas identiques » à celui de cette famille.

Ils le demandaient depuis 2000

Après des années de batailles judiciaires pour cette famille en pointe du combat pour la reconnaissance du lien de filiation entre parents et enfants nés à l’étranger par GPA, interdite en France, la Cour s’était réunie le 20 septembre dans sa formation la plus solennelle.
Les magistrats ont accordé aux Mennesson ce qu’ils demandaient depuis 2000 et la naissance de leurs filles, d’une GPA effectuée en Californie, où ce procédé est légal : la transcription en droit français des actes de naissance sur lesquels ils apparaissent comme seuls père et mère.
Jusqu’à présent, la jurisprudence de la Cour de Cassation ne permettait pas une telle transcription des actes de naissance, s’agissant de la « mère d’intention », préconisant la solution de l’adoption.
La Cour a pris cette décision « en l’absence d’autre voie » préservant l’intérêt supérieur de ces jeunes femmes : la solution de l’adoption n’est pas satisfaisante, notamment « au regard du temps écoulé depuis la concrétisation du lien entre les enfants et la mère d’intention », explique-t-elle dans son arrêt. Quant à la solution de la « possession d’état » que permet le code civil, qu’avaient proposée les Mennesson, elle ne présente pas de « sécurité juridique suffisante », selon la Cour.
Le gouvernement avait indiqué être « suspendu » à sa décision pour clarifier l’état du droit pour les enfants nés à l’étranger d’une mère porteuse.

Un vote à l’Assemblée

Ce jugement intervient au lendemain du vote par l’Assemblée, le 3 octobre dans la soirée, d’un amendement automatisant la reconnaissance de la filiation d’enfants conçus par GPA à l’étranger. « Cet amendement consacre et étend la jurisprudence constante du tribunal de Paris qui déclare exécutoire les jugements étrangers par lesquels la filiation d’un enfant né par GPA a été établie et regarde cette filiation comme adoptive », a justifié le député LREM Jean-Louis Touraine, à l’origine du texte cosigné par treize députés de la majorité et voté à la surprise générale.