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3.1  LA VÉRITÉ

VÉRITÉ ET LANGAGE : 1.1 Vérité et réalité – 1.2 Les mots et la pensée – 1.3 Vérité et persuasion – 1.4 Logique
VÉRITÉ ET MENSONGE :  2.1 Les limites de la vérité – 2.2 Mentir à autrui
2.3 La croyance – 2.4 L’illusion, mensonge à soi-même
 VÉRITÉ ET DOUTE : 3.1 Jugement de vérité – 3.2 Scepticisme et relativisme – 3.3 Doute méthodologique
VÉRITÉ ET SCIENCE : 4.1 Science contre opinion – 4.2 Le fait, la théorie et l’expérience scientifiques
VÉRITÉ ET JUSTICE

Préambule :  quelques notions voisines à distinguer

1. Vrai :  Correspondance entre ce que l’on dit ou pense et la réalité : Dire la vérité.
Caractère de ce qui existe réellement tel qu’il apparaît : Vérité de ses sentiments.
Contraire : Faux

2. Véridique :  Qui dit la vérité, qui rapporte exactement les faits : Historien véridique.
Qui est conforme à la vérité, au réel : Témoignage véridique.
Contraire : Mensonger

3. Vraisemblable :  Qui a toutes les apparences du vrai ; plausible : Une explication vraisemblable.
Qui a toutes les probabilités de se produire : Victoire vraisemblable d’un candidat.
Contraire : Invraisemblable

4. Probable : Que l’on considère plutôt comme vrai que comme faux : Une hypothèse probable. Qui a beaucoup de chances de se produire ou de s’être produit : Un échec probable.
Contraire : Improbable

3.1  VÉRITÉ ET LANGAGE

1.1 Vérité et réalité

—>  Les sens nous donnent une première représentation de la réalité : Comme pour la plupart des animaux, notre rapport à la réalité passe d’abord par les sens (vision, ouïe, toucher…). C’est ainsi que nous appréhendons à chaque instant le milieu dans lequel nous évoluons.

> Mais les sens ne nous permettent de connaître que le milieu dans lequel nous nous trouvons à un instant donné.

—> En accumulant et organisant progressivement notre expérience, la mémoire nous fournit une représentation de la réalité indépendante des données immédiates des sens.

> Nous pouvons nous projeter mentalement dans des lieux où nous ne nous trouvons pas, imaginer des situations possibles, etc.

—>  Le langage, en attribuant un nom à chaque type d’objet, un verbe à chaque type d’action, permet de construire des phrases représentant des faits réels ou imaginés.

Vérité-correspondance : une phrase (un énoncé, une affirmation, une théorie) est vraie lorsqu’elle correspond à un fait réel.

Aristote : « Dire que ce qui est n’est pas, ou que ce qui n’est pas est, est faux ; et dire que ce qui est, est, et que ce qui n’est pas n’est pas, est vrai »

—> Si je dis que le ciel est bleu et qu’il est bleu, je dis la vérité.

1.2 Les mots et la connaissance du réel

Le langage n’est-il pas limité pour décrire la complexité de certaines réalités ?
Les langues humaines se sont développées et spécialisées pour décrire de plus en plus précisément la réalité telle que l’être humain peut l’expérimenter —> vocabulaire scientifique, formes poétiques, mathématiques sont des outils permettant de décrire des domaines spécifiques de l’expérience humaine.

1.3 Vérité et persuasion

La maîtrise du langage confère un pouvoir sur autrui : Puisque le langage permet de représenter la réalité, il permet aussi de la représenter de manière erronée ou mensongère et de la communiquer sous cette forme.
Celui qui l’accepte sans vérifier ce qui est présenté comme vrai est alors porteur d’une représentation fausse de la réalité.

Rhétorique : technique de l’action du discours sur les esprits, art de la persuasion.

Pour la rhétorique, la vérité ne compte pas, seul importe les croyances et les comportements que susciteront le discours. La rhétorique est l’outil des démagogues, des manipulateurs… et de beaucoup d’hommes politiques.

« Je suis allé, souvent déjà, avec mon frère, et d’autres médecins, visiter des malades qui ne consentaient  ni à boire leur remède, ni à se laisser saigner ou cautériser par le médecin. Et là où ce médecin était impuissant à les convaincre, moi, je parvenais, sans autre art que la rhétorique, à les convaincre. Venons-en à la Cité. Suppose qu’un orateur et qu’un médecin se rendent dans la cité que tu voudras, et qu’il faille organiser, à l’assemblée (…), une confrontation entre le médecin et l’orateur pour savoir lequel des deux on doit choisir comme médecin. Eh bien j’affirme que le médecin aurait l’air de n’être rien du tout, et que l’homme qui sait parler serait choisi s’il le voulait. (…) Car il n’y a rien dont l’orateur ne puisse parler, en public, avec une plus grande force de persuasion que celle de n’importe quel spécialiste. Ah, si grande est la puissance de cet art rhétorique ! »

PLATON, Gorgias

      • L’art du discours (la rhétorique) peut donner l’apparence de vérité à tout discours. Elle n’a aucun besoin de savoir ce que sont les choses dont elle parle. Elle est un procédé qui sert à persuader, tel que, devant un public d’ignorants, elle a l’air d’en savoir plus que n’en savent les connaisseurs.
      • La rhétorique peut persuader (donner les apparences de la vérité) mais ne peut pas convaincre comme le ferait une démonstration (qui permet de savoir pourquoi ce que l’on dit est vrai et être donc parfaitement conscient de la raison pour laquelle on l’admet).
      • La rhétorique est à la base de toute forme de manipulation de l’opinion publique. Le démagogue exploite en particulier tous les biais cognitifs (qui sont naturels chez l’être humain) pour formater la pensée des individus et les faire agir dans son intérêt.
        Ex. :  discours politiques, messages publicitaires…

1.4 Logique

La logique, technique du raisonnement correct, est l’ensemble des règles formelles que doit respecter toute argumentation correcte.

—> La logique est une science formelle : cela signifie qu’elle ne concerne que le langage et non son rapport avec la réalité.

—> Si les hypothèses de départ d’un raisonnement logique sont vraies, alors les conclusions seront nécessairement vraies.

—> Si les hypothèses de départ d’un raisonnement logique sont fausses, alors les conclusions seront nécessairement fausses (bien que parfaitement logiques).

Mais le langage est piégé !

—> Un sophisme est un raisonnement ayant une apparence logique :

Dans le gruyère, il y a des trous.
Plus il y a de gruyère, plus il y a de trous.
Or plus il y a de trous, moins il y a de gruyère.
Donc plus il y a de gruyère, moins il y a de gruyère.

Tout ce qui est rare est cher.
Un cheval bon marché est rare.
Donc un cheval bon marché est cher.

La phrase suivante est vraie. La phrase précédente est fausse.

2. VÉRITÉ, ERREUR ET MENSONGE

2.1 Les limites de la vérité

2.1.1 Points de vue anthropologiques

> Point de vue psychologique :

Protagoras : «?Ce que l’homme appelle vérité, c’est toujours sa vérité, c’est-à-dire l’aspect sous lequel les choses lui apparaissent.?»
(Selon Protagoras : «?L’homme est la mesure toute choses.?»)

—> Attitude relativiste du point de vue de l’individu : «?à chacun sa vérité?».

> Point de vue sociologique ou ethnologique :

Pascal : «??Vérité en-deçà des Pyrénées, mensonge au-delà.?»

—> Attitude relativiste du point de vue de la culture : ce qui est considéré comme une vérité dans une culture donnée ne l’est pas dans une autre (cas des religions).

—> Aspect positif : évite l’ethnocentrisme (ma culture est la meilleure) et l’anthropocentrisme (nous autres humains sommes le centre de l’univers).

> Point de vue biologique :

Nietzsche : « La vérité est une sorte d’erreur, faute de laquelle une certaine espèce d’êtres vivants ne pourraient vivre. Ce qui décide en dernier ressort, c’est sa valeur pour la vie » .

 «?Il est nécessaire que quelque chose soit tenu pour vrai, mais il n’est nullement nécessaire que cela soit vrai.?»

—> Attitude sceptique : l’homme qualifie de vrai tout ce qui lui permet de vivre  ou de mieux vivre. La vérité n’a pas d’autre valeur que son utilité pratique.

2.1.2 Les illusions d’optique et autres erreurs liées au fonctionnement même de notre perception

> Notre perception peut nous tromper : Les données des sens sont déjà interprétées lorsqu’elles nous apparaissent et cette interprétation peut être entachée d’erreur :

 Nietzsche : « Il n’y a pas de faits , il n’y a que les interprétations. »

2.1.3 Les biais cognitifs, erreurs liées au fonctionnement même de notre pensée

Un biais cognitif est une tendances à interpréter de manière sélective ce que l’on observe ou entend, en fonction de notre propre expérience, de nos centres d’intérêt, de notre situation sociale, de nos valeurs.

Ex. :  biais de confirmation :  tendance à ne rechercher et ne prendre en considération que les informations qui confirment les croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent.

—>  Un supporter d’une équipe de football voit plus facilement les fautes de l’équipe adverse que celles de la sienne (biais de confirmation).

Ex. : biais de représentativité : raccourci mental qui consiste à porter un jugement général à partir de quelques éléments qui ne sont pas nécessairement représentatifs.

—> Un enfant griffé par un chat (singulier) aura peut toute sa vie de tous les chats (universel).
Le racisme, la misogynie, etc., sont souvent des formes d’une telle généralisation abusive?: une expérience négative avec une personne d’un groupe va déterminer une méfiance envers l’ensemble de ce groupe.

2.1.4 Autres notions limitatives (ou pas) de la vérité

– L’ignorance définit le fait de ne pas savoir quelque chose, de ne pas être au courant de quelque chose.

Pour Socrate, savoir qu’on ne sait pas est à la base de toute construction d’un savoir : c’est le dialogue qui permet d’accoucher la vérité. Il faut rejeter tous nos préjugés pour chercher la vérité

        • Celui qui ignore qu’il est ignorant ne ressent pas le besoin de savoir.
        • La reconnaissance de l’ignorance joue un rôle positif dans le processus de la connaissance, elle sert de déclic pour enclencher le processus cognitif.

 – L’erreur consiste à affirmer comme vrai ce qui est faux ou comme faux ce qui est vrai.

—> Contrairement au mensonge, l’erreur est involontaire.
Ex. : erreur de calcul, erreur de raisonnement, erreur judiciaire…

Kant : «?Le contraire de la vérité est la fausseté : quand elle est tenue pour vérité, elle se nomme erreur.?»

Bachelard : «?La vérité est une longue histoire d’erreurs surmontées.

—> L’erreur est un moyen de découvrir la vérité.
Les avancées de la science procèdent par erreurs et rectifications successives.

La croyance consiste à adhérer à une thèse (ou une hypothèse) considérée comme vraie indépendamment des faits (elle peut être vraie ou fausse).
Ex. : croire au Père Noël, croire qu’il va faire beau…

Thèse : La croyance peut avoir un rôle négatif. La croyance peut empêcher de considérer la réalité telle qu’elle est.
Ex. : Créationnisme (le monde a été créé par Dieu en 6 jours), négationnisme (les camps d’extermination nazis n’ont jamais existé)…

Antithèse : La croyance peut avoir un rôle positif. Elle est nécessaire au passage à l’acte.
Ex. : Pour entreprendre une action, mobiliser l’énergie nécessaire à sa réalisation et se lancer, il faut «?croire?» à la possibilité de cette réalisation.

Rapport problématique entre vérité et croyance : on peut admettre une vérité sans y croire vraiment, c’est-à-dire sans en tenir compte concrètement. La vérité demeure «?abstraite?».
Ex. : «?Fumer tue?». C’est une vérité établie. Tout fumeur reconnaît que cette vérité mais tout se passe comme s’il n’y croyait pas vraiment.

NB : Il existe des degrés dans la croyance :  on peut croire plus ou moins :  Moins on croit, plus on renoncera facilement à notre croyance. Plus on croit, plus il sera difficile à renoncer à cette croyance.

2.2 Mentir à autrui

« Ainsi la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle ; on ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L’union qui est entre les hommes n’est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d’amitiés subsisteraient si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion. L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l’égard des autres. Il ne veut donc pas qu’on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son cœur.?»   

PASCAL, Pensées (1676)

      • Le mensonge est nécessaire à la vie sociale.
      • Le mensonge est nécessaire à l’amour-propre de chacun, à l’estime de soi. (Cf. «?IIlusion?»)

«?Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible […]. Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir?? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits?: un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui.     

Benjamin CONSTANT

      • Le mensonge peut être source de conflits : perte de la confiance nécessaire aux échanges qui stabilisent une relation entre individus ou entre sociétés.

Diderot : «?Les avantages du mensonge sont d’un moment, et ceux de la vérité sont éternels.

2.4 L’illusion, mensonge à soi-même

Freud : «?Nous appelons illusion une croyance quand, dans la motivation de celle-ci, la réalisation d’un désir est prévalente, et nous ne tenons pas compte, ce faisant, des rapports de cette croyance à la réalité, tout comme l’illusion elle-même renonce à être confirmée (ou non) par le réel. »

Nietzsche : « Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont ».

Cette autoillusion, qu’on appelle aussi «?duperie de soi?», permet :

      • de se conforter (pour un enfant de se construire) dans des croyances avantageuses,
      • de satisfaire ainsi artificiellement le besoin d’estime de soi.

3.  VÉRITÉ ET DOUTE

  Le doute est l’incertitude ou l’interrogation sur la vérité ou la fausseté d’un énoncé.

3.1 Jugement de vérité

Un jugement est l’acte qui consiste à affirmer la vérité (ou la fausseté ) d’un énoncé.

Juger qu’un énoncé est vrai, c’est :

      • le considérer comme une certitude sur laquelle on peut appuyer d’autres jugements,
      • penser qu’on ne peut pas en douter c’est-à-dire qu’il ne peut pas être contredit.

Du point de vue de la raison théorique (science), un énoncé est vrai si l’on possède une démonstration ou une expérience qui permet de le vérifier.

Du point de vue de la raison pratique (choix, action), un énoncé est vrai s’il permet le succès d’une action.

«?Les croyances vraies sont celles qui conduisent au succès de nos actions.?» (Frank Ramsey)

3.2 Scepticisme et relativisme

Scepticisme : le doute comme attitude générale dans la vie : on ne peut avoir  aucune certitude, la vérité est toujours relative.

Sextus Empiricus : «?A toute raison valable, et sur tout sujet, on peut opposer une raison contraire et tout aussi convaincante. »

Nietzsche : «?On appelle vérité un mensonge utile.

—> Problème logique de l’attitude sceptique : selon le scepticisme il faut douter de toute affirmation. Donc il faut aussi douter de l’affirmation qu’il faut douter de tout. On dit que le scepticisme est «?auto-réfutant?».

3.3 Doute méthodique

Rappel : Pour Descartes, le doute n’est qu’une étape permettant de faire par nous-même l’épreuve de nos connaissances pour parvenir à la certitude.

«?Ne jamais recevoir aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle...?»

DESCARTES, Discours de la méthode (1641)

« Je mets en avant les raisons pour lesquelles nous pouvons douter généralement de toutes choses, et particulièrement les choses matérielles, au moins tant que nous n’aurons point d’autres fondements dans les sciences, que ceux que nous avons eus jusqu’à présent. Or, bien que l’utilité d’un doute si général ne paraisse pas d’abord, elle est toutefois en cela très grande, qu’il nous délivre de toutes sortes de préjugés, et nous prépare un chemin très facile pour accoutumer notre esprit à se détacher des sens, et enfin, en ce qu’il fait qu’il n’est pas possible que nous puissions jamais plus douter des choses que nous découvrirons par après être véritables.          

DESCARTES, Méditations métaphysiques (1641)

—> Se détacher des préjugés (culture) et se détacher des sens (nature) est une condition nécessaire pour pourvoir ensuite construire des certitudes (des évidences) sur lesquelles on pourra fonder un discours scientifique.

4.  VÉRITÉ ET SCIENCE

4.1 Science contre opinion

L’opinion est un jugement subjectif que l’on porte sur un objet ou un fait sans garantie objective. Nos opinions ont pour nous valeur de certitude.

      • l’opinion accède pour celui qui la soutient à un statut de vérité bien qu’elle ne puisse être vérifiée ;
      •  la vérité scientifique n’accède à ce statut qu’à la condition de donner les moyens de sa vérification (en général expérimentale).

« La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. »

Gaston BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique (1938)

      • L’opinion a une utilité pratique (choix, actions) mais n’apporte pas de connaissance.
      • Contrairement à l’opinion qui est admise, la vérité scientifique doit être construite.

4.2 Le fait, la théorie et l’expérience scientifiques

—> L’énoncé scientifique décrit un «?fait scientifique?», c’est-à-dire un phénomène naturel établi et défini de manière univoque et reproductible.

Le problème des sciences humaines (sociologie, économie, psychologie, etc.) réside précisément dans le fait qu’il est difficile de maîtriser les phénomènes humains pour les reproduire et pouvoir alors en faire varier à volonté les paramètres et ainsi établir des lois.

—> Reproductible en laboratoire = in vitro – Reproductible dans la nature : in vivo.

—> L‘expérimentation scientifique en laboratoire permet de simplifier les mécanismes naturels en restreignant les causes d’un phénomène pour ne retenir que celles que l’on souhaite tester. On peut faire librement varier un paramètre donné et en mesurer l’impact sur le phénomène étudié.

Les résultats bruts des expériences (mesures) sont les premières affirmations qu’un scientifique doit avoir la certitude qu’elles sont «?vraies?». Leur interprétation, en revanche, ne peut être immédiatement tenue pour vraie. Il s’agit d’un choix possible suivant les critères de la méthode scientifique.

—> La méthode hypothético-déductive consiste à formuler une hypothèse afin d’en déduire des conséquences observables permettant de la valider ou de la réfuter via une expérimentation.

—> Contrairement à l’expérience sensible qui nous est donnée immédiatement, l’expérimentation scientifique est construite. Elle est déterminée par un travail théorique?: et doit permettre de confirmer (validation) ou d’infirmer (réfutation) des hypothèses théoriques.

5. VÉRITÉ ET JUSTICE

Dans un tribunal, la vérité est une construction qui résulte du travail des enquêteurs (police), de l’accusation (procureur) et de la défense (avocat) qui permet de prononcer un verdict.

—> Verdict vient du latin verum dicere : dire la vérité.

Pour confondre ou disculper un individu accusé d’une violation de la loi, il faut des éléments probants sur lesquels appuyer un verdict : les preuves.  C’est sur elles que le juge, et éventuellement les jurés, fondent leur intime conviction. La preuve est « ce qui persuade l’esprit d’une vérité ».

> La loi française réglemente 5 modes de preuve que le tribunal doit considérer comme vraies et sur lesquelles il peut appuyer son verdict :

—> l’écrit ou «?preuve littérale?» (suite de lettres, de caractères, de chiffres, ou de tout autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible quels que soient leur support et leur modalité de transmission).

—> la preuve testimoniale (le témoignage),

—> la preuve par indice ou présomption (empreintes digitales, traces d’ADN, conversation téléphonique…),

—> l’aveu,

—> le serment («?Je jure de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité…?»).

> Les différents niveaux de preuves :

—> preuve parfaite : l’écrit (preuve littérale), l’aveu judiciaire et le serment.

—> preuve irréfragable : preuve absolue car incontestable. Une preuve est irréfragable si elle rend irrecevable la possibilité d’administrer la preuve contraire.

—> preuve imparfaite : preuves admises «?par exception?». Ces preuves imparfaites sont laissées à «?l’appréciation souveraine du juge?».

—> preuve réfragable : preuve contestable. La réfragabilité d’une preuve rend recevable la possibilité d’administrer la preuve contraire.

—> présomption : la conséquence qu’un magistrat tire d’un ou plusieurs faits connus pour en déduire l’existence d’un autre fait qui n’est pas prouvé. Il ne s’agit pas d’une certitude, mais d’une vraisemblance, d’une supposition qui est tenue pour vraie, jusqu’à preuve du contraire.

—> faisceau d’éléments ou d’indices concordants : déduction à partir d’un ensemble d’indices qui, pris isolément, ne suffisent pas à apporter une preuve mais qui pris ensemble constituent cette preuve.